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Un espoir pour les océans !

Aspirer le plastique contenu dans la mer tout en gagnant de l'argent, ou comment motiver les industriels à nettoyer nos déchets...


Le bateau-usine en forme de raie manta. Cliquez sur la photo pour être dirigé sur le lien.
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SECONDE 14 : Jama Lokomis piégée au cœur de l'immense poubelle flottante du Pacifique Nord
SECONDE 14 : Jama Lokomis piégée au cœur de l'immense poubelle flottante du Pacifique Nord
Le sixième sens marin de Lokomis lui fit brusquement scruter l’océan, juste avant que leur allure ne chute d’un bon tiers. Deux choses la frappèrent simultanément : la présence d’une colonne de nuages annonciateurs d’une terre proche, et une invraisemblable concentration d’objets de toutes sortes flottant à la surface de la mer.
 
 
Trois heures plus tard, les navigatrices hauturières maintenant toutes réveillées assistaient, impuissantes, à l’encalminage total du Pandor@. Le bateau avait perdu peu à peu de sa vitesse, et sa manœuvrabilité était désormais nulle. Des dizaines de morceaux de bouts de tous diamètres et des résidus de sacs plastiques déchirés s’étaient agglutinés et amarrés aux foils et aux mèches de safran. Une espèce de pâte informe de détritus avait englué le pur-sang des mers dans une gigantesque et infâme bouillie composée de tous les rebus de la civilisation moderne.
 
Le Pandor@ n’était plus qu’un grain de sable compressé dans une dune, une goutte d’eau perdue au milieu d'un océan, une cellule agonisante au sein d'un organisme phagocyteur. Sa raison d’être se réduisait dorénavant à la seule fonction de radeau de survie ; ce n’était plus qu’une épave en devenir, une minuscule friandise dont l’ogre artificiel qui l’avait piégé n’allait bientôt faire qu’une bouchée.
 
Abasourdies devant l’ampleur de la décharge flottante dans laquelle elles dérivaient à présent, les filles fixaient les millions de débris qui les emprisonnaient, à travers la brume légère qui s’était formée, renforçant l’angoissante atmosphère… Il y avait là de tout : des bouteilles et des boîtes, de toutes matières, formes et couleurs, des claquettes et autres sandales de plage de diverses pointures, des capsules, des emballages, des filets, des cadres de téléviseurs et des écrans d’ordinateur, des jouets et des seringues, des couches-culottes et des armes, des panneaux de signalisation routière et des appareils ménagers, un échantillonnage de tous les accessoires électriques et électroniques du monde, des emballages, des parapluies, des vêtements, des sacs, des antennes, des montres, des téléphones, du matériel de pêche, des emballages, des couverts de fast-food, une infinité de billes microscopiques et de confettis multicolores de polystyrène, d’élastomère et de polyéthylène, des portes de voiture, des pneus de camion, des pans de toiture, des containers, un voilier aux trois quarts englouti…
 
 
Amalgamée au hideux capharnaüm de plastique, de bois et de métal, une ignoble et fétide collection de cadavres d’animaux ajoutait une note de putréfaction macabre. Des dizaines de squelettes d’oiseaux, de poissons, de tortues, mais aussi des mammifères marins, des chèvres et même des vaches finissaient de pourrir sous le Soleil. Les charognes collaient à l’amoncellement dérivant, flottant grâce à la fermentation organique des chairs en voie de décomposition qui produisait du méthane. L’odeur qui se dégageait de cette spirale démoniaque de détritus était difficilement supportable, et Paris et Britney s’étaient rapidement munies de masques de fortune dans lesquels elles avaient déposé quelques gouttes d’huile essentielle de santal. 

Le rouge est la couleur préférée des animaux car c'est celle qui ressemble le plus à des proies. Merci Coca-Cola !...
Le rouge est la couleur préférée des animaux car c'est celle qui ressemble le plus à des proies. Merci Coca-Cola !...
Mais ce n’était pas là le plus surprenant ! Lokomis et certaines de ses équipières avaient en effet déjà entendu parler de ce Great Pacific Garbage Patch qui occupait un volume d’un million de kilomètres cubes… mais sans jamais y croire totalement, ou du moins sans en conscientiser l’importance. Elles avaient même lu que de telles monstruosités se formaient également au large du Japon, ainsi que dans la mer des Sargasses, dans l’océan Atlantique. Ces décharges sauvages s’étaient peu à peu constituées, en une cinquantaine d’années, au centre d’immenses vortex de courants transocéaniques. Lokomis savait que quatre-vingts pour cent des détritus qui finissaient ici provenaient de la terre, et le reste, des bateaux ; le tout plus ou moins volontairement, mais toujours par négligence humaine.
 
Non, le plus surprenant dans ce plus grand dépotoir mondial, c’était la chimérique vie qui s’y était installée ! Si l’on trouvait dans ce cloaque sept kilos de plastique pour un seul kilo de plancton, comme l’avait lu Lokomis dans le rapport d’une ONG écologique, des milliards d’animaux avaient pourtant élu domicile sur les OFNI (objets flottants non identifiés). Des brittle stars, petites étoiles de mer aux bras piquants, avoisinaient des crabes aux longues pattes ainsi que des myriades de minuscules crevettes roses. Les algues envahissaient chaque mètre carré de surface un peu immergée et encore ensoleillée, et des mollusques leur disputaient la place. D’énormes méduses apparaissaient çà et là, piégées à la surface par la faible densité des matériaux plastiques qu’elles avaient absorbés. Et, au-dessus du monticule synthétique qui apparaissait maintenant devant l’équipage sidéré, des centaines d’oiseaux marins virevoltaient dans les airs, s’abîmant parfois dans la soupe putride afin d’en remonter héroïquement un anchois suicidaire ou un leurre mortel.
 
Navrée, Lokomis considéra avec compassion le corps sans vie de Jonathan, l’albatros qui s’était posé sur le bateau. Paris l’avait baptisé quelques instants plus tôt du nom de Jonathan Livingston le Goéland, juste avant qu’il ne succombe dans un spasme ultime qui lui avait permis de régurgiter une statuette de femme portant une jarre : Pandore. 
 
Le brouillard s’était dissipé à l’approche du cœur de l’amoncellement de déchets, et les cinq filles, assises au pied du mât, eurent le souffle coupé en apercevant la monstrueuse montagne qui flottait à présent devant elles. D’après le radar, cet épouvantable iceberg cancéreux mesurait plus de quarante kilomètres de diamètre, et, selon Lokomis, il devait bien s’élever en son centre à trois cents mètres au-dessus du niveau de l’infâme brouet qui tenait ici lieu de mer. L’équivalent de la ville de Paris, de la hauteur de la Tour Eiffel ! Et ce n’était que la partie visible !
 
Des plantes y avaient poussé, et par endroits on voyait des iguanes marins, immobiles sous le Soleil ; tandis qu’une otarie déroutée essayait vainement de trouver son chemin, écrasant dans sa tentative le nid d’un fou de Bassan ou d’un paille-en-queue en colère. Un papillon virevolta sous leur nez, puis s’envola vers le ciel dans lequel une frégate au cou écarlate plongeait sur un cormoran décharné à seule fin de lui subtiliser la plaquette argentée de neuroleptiques qu’il tentait péniblement d’absorber.
 
Lokomis s’était assise sur une chaise en plastique Made in China qu’elle venait de décrocher du bout-dehors où elle s’était coincée. Toutes les espèces du Pacifique se sont donné rendez-vous ici pensa-t-elle, et, sans qu’elle sache pourquoi, le poème favori de son grand-père lui revint en mémoire :

L’Oiseau Tonnerre vole si vite
 

Que seuls les yeux de l’esprit

 
Peuvent le suivre dans la nuit.
 
Douce Tawamana, tu portes en toi les espoirs du futur.
 
Souviens-toi de Hopi, de l’Oiseau Tonnerre,
 
Et de Tawa, le Soleil Père,
 
Qui nous a donné naissance à tous.
 
Que les papillons de ton état de jeune femme
 
Soient avec toi pour toujours.

Ambre de cachalot
Ambre de cachalot
La Lune recouvre à présent presque entièrement le Soleil, et une pénombre fantasmagorique enveloppe l’île mystérieuse, ne laissant qu’un rayon ambré illuminer la plage de polyuréthane au centre de laquelle Lokomis remarque un gros bloc grisâtre. Cet objet est différent de tout ce qui l’entoure, on dirait un rocher naturel… mais une roche n’aurait pas pu flotter, à moins que ce ne soit une pierre volcanique bourrée d’air emprisonné, pense-t-elle ; mais non, on dirait… de l’ambre de cachalot ! Ouiiii, c’est bien ça… elle distingue des éclats noirâtres en forme de becs de calmars, incrustés dans la masse. Et elle hurle, en tendant le doigt :
 
- Regardez ! Le plus gros morceau d’ambre du monde !
 
Paris se retourne :
 
- De quoi ?
 
- De l’ambre de cachalot ! C’est une grosse boule qui s’est formée dans les intestins du cétacé pour le protéger des résidus de seiches et de calmars. Il est utilisé dans la parfumerie et en médecine depuis des millénaires, et comme il est rarissime, il s’échange jusqu’à cent dollars le gramme ! Celui-ci doit bien peser cinq cents kilos ! C’est incroyable !
 
Les filles regardent et s’extasient.
 
- Wahou ! On est riches ! Y’en a pour des millions ! Britney exulte.
 
- J’espère qu’ils auront de la place dans l’hélicoptère ! s’exclame Annabelle. Et elles se mettent à rire sous l’anneau d’or qui encercle le Soleil noir.
 
Lokomis inspire profondément, et elle sent le mélange de senteurs de musc, de tabac et de cuir, si caractéristique de l’ambre gris. Elle pense à Simbad le marin qui découvrit une île déserte où l’ambre jaillissait d’une fontaine. Elle sent le parfum envoûtant pénétrer ses narines et parvenir à ses poumons, et agir comme des phéromones aphrodisiaques ; comme une cure d’estrogènes qui stimuleraient ses fonctions reproductrices. Elle inspire encore… C’est bon ! Il lui semble alors que quelque chose se dénoue dans son ventre. Elle a l’impression de sentir son utérus se déplacer, ou plutôt se dérouler ! La jeune femme a soudain l’étrange sensation qu’un doux petit feu s’allume au plus profond de l’organe qu’elle a toujours rejeté. Et elle comprend : sa matrice vient de s’éveiller grâce à la nidification d’un tout petit œuf.
 
Elle est enceinte !
 
Lokomis revoit alors en un éclair le beau concepteur du jeu vidéo « Full Moon in the Sun » lui apporter une coupe de champagne avec son plus charmant sourire, lors du cocktail qui s’est tenu la veille de leur départ. Il était magnifique dans sa chemise de soie noire brodée de plumes anthracite. Et elle s'entend gémir de plaisir entre les bras de Vasco sur le trampoline du Pandor@, dans la nuit qui a suivi. Et elle se souvient de son baiser d’adieu sur le quai : yé t’attendrai à Frisco, lui avait-il susurré avec son délicieux accent vénézuélien.




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Yann Yoro - Auteur du livre évènement "28 SECONDES en 2012"

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